La Smart City : bénéfices et questions soulevées

Réflexion issue de la conférence Naver Labs, filiale du géant de l’internet Coréen Naver Corp  » What will be the smart city tomorrow » Station F le 26/11/2019

 

1 – A-CITY : un nouvel environnement urbain

Le CEO de Naver Labs Sangok Seok a présenté ses dernières recherches en termes de robots dédiés notamment aux bâtiments et à la ville. Ceux-ci sont étonnants de réalisme d’un point de vue motricité, comparables à des humains et à des animaux.

En combinant IA, robotique, numérique et véhicules autonomes, Naver Labs développe le concept A – CITY. Un ensemble de robots (auto-mobiles ou meubles mobiles) scanneront l’environnement urbain et les espaces intérieurs pour les reconstituer en 3D afin de pouvoir par exemple et parmi de multiples applications se déplacer et offrir des services de transport et de logistique, afficher des informations virtuelles sur la route pour faciliter la conduite. N’importe quelle information pourra apparaître sur n’importe quel support, qu’il s’agisse de messages à titre informatif ou business, le phygital prenant ici toute sa dimension.

Photo Naver Labs

 Naver

La ville devient ainsi de plus en plus technologique, principe de la Smart City qui vise un objectif de rationalisation et d’efficacité grâce notamment à une meilleure organisation des flux, que ceux-ci concernent la mobilité ou encore l’énergie. Face à un environnement devenu trop complexe, la technologie serait levier de contrôle et de dé-complexification pour gagner en efficacité, en productivité et préparer ainsi des ruptures en termes d’usages et de services, la voiture autonome par exemple.

La ville d’Angers a signé un marché de 178 millions d’euros sur douze ans avec un objectif d’économie de 101 millions d’euros sur 25 ans. L’intégration de milliers de capteurs doit permettre de rationaliser et d’économiser l’énergie de postes tels que l’éclairage, l’eau, la mobilité, la santé (surveillance de la qualité de l’air) puis de proposer des services aux habitants.

2 – La smart City, les questions qui se posent

Si le calcul des bénéfices est indispensable pour enclencher des marchés, tout changement déclenche automatiquement des effets pervers si on se réfère aux théories sociologiques de Raymond Boudon. Mais quelle réflexion actuelle sur les effets pervers ? Quelle part prend l’analyse de ces effets dans les choix d’investissement et de recherche des décideurs ? En quoi la résolution de ces effets pourrait déclencher des opportunités business ?

Les innovations présentées par Naver Labs sont spécifiques car l’intelligence n’est pas placée dans le robot mais dans un cloud pilotant tous les robots afin de les diminuer en taille sans en pénaliser l’intelligence. Est-ce que la taille des serveurs et la consommation de matière sera assez compensée par la baisse des consommations liées par exemple à une fluidification de la circulation, une moindre consommation de matière avec les véhicules autonomes et l’économie de la fonctionnalité ou encore une rationalisation logistique ?

La Smart City permettrait de rationaliser et d’accroître l’efficacité énergétique. Mais dans quelle mesure se pose t’on la question du modèle de vie des citadins ? La meilleure qualité de vie serait apportée par les services à l’usager : mobilité facilitée, vitesse, meilleure information, orientation, partage, moindre aléas…

Mais la technologie conduit aussi à nous éloigner de notre nature, de nos limites et elle anticipe nos désirs. Elle peut en ce sens être utile, efficace mais aussi appauvrissante. Dans quelle mesure le fait de nous augmenter par la technologie nous permet de penser encore nos limites dans un contexte où il semble indispensable de le faire ? Quelle limite à la délégation de la complexité urbaine ?

Et dans un contexte de conception urbaine qui vise le lien social, le bien être, l’épanouissement humain, quel lien entre la ville et le citadin si la médiation se fait le plus souvent par un écran ? Qu’est ce qui va le toucher émotionnellement ?

Au delà, quels contrôles, quels types d’informations et quels droits de regard les collectivités auront sur les informations virtuelles projetées dans le domaine public ?

Le propos n’est pas d’adopter une position pour ou contre ni de se demander s’il faut avoir peur ou ne pas avoir peur comme c’est trop souvent le cas sur des sujets tels que l’intelligence artificielle, réduisant le propos à des visions dualistes et caricaturales.

Le propos est de questionner sous plusieurs angles. Depuis environ 5 ans les offres promeuvent l’utilisateur en le mettant au centre de l’expérience et du développement des offres. Celui-ci est impliqué dès les phases de développement amont. Depuis environ 2 ans les commanditaires attendent des garanties sur la pérennité des innovations et des usages par l’analyse des retours d’expérience en aval de la livraison. On peut penser ou espérer qu’à terme, au-delà de la prise en compte de l’utilisateur derrière qui se cache souvent un consommateur, ce sera aussi la prise en compte de l’épanouissement humain, de sa réalisation individuelle et collective qui sera valorisée par les commanditaires et ainsi levier de business.

Il ne s’agit pas d’aller contre l’évolution. Nous sommes agi par notre besoin de dépasser nos propres limites, limites qu’Annah Arendt considérait au nombre de trois, terrestre, corporelle et morale. Nous n’échapperons pas à ce que nous sommes fondamentalement mais nous pouvons réfléchir à ce vers quoi nous allons, ce que nous voulons, l’environnement dans lequel nous voulons vivre et intégrer ces indicateurs dans les futures offres.

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